A-t-on besoin de ces professionels de la politique?

On parle beaucoup de "politique spectacle". Dans l'ère de la médiatisation, de la communication, du marketing et du packaging à toutes les sauces, l'homme politique ressemble plus à un paquet de lessive ou au dernier rasoir à 14 lames qu'à un professionnel de la gestion des affaires publiques et à un visionnaire éclairant ses concitoyens. Qu'importe s'il ne nettoie pas plus blanc que blanc ! Ce qui importe, c'est le bon spot publicitaire, bien placé à la mi-temps de France-Brésil, avec les bons codes, les bons artifices...

feuQuelques citations...

Cet article du Monde cette semaine cite François-Henri de Virieux qui déclarait sur « les bénéficiaires » et « les perdants » de la médiatisation : « Les perdants, c’est les gens sérieux qui veulent préparer l’avenir, ont une culture de réflexion, qui sont un peu secrets, repliés sur eux-mêmes, qui voient le long terme. Ceux-là, ils ne font plus leur trou aujourd’hui. »
Le titre de cet autre article de l'Obs par Michel Rocard est encore plus direct : "L'information disparaît au profit du spectacle, qui tue la politique".
Évidemment, il y en a pléthore !
 
Alors OK, la politique est devenue un grand spectacle. Et l'homme politique dans tout ça ? Un artiste pardi ! Un acteur, un communicant ! Le sourire "bright" et la répartie choc, plutôt que le fond, la connaissance, la compréhension, la vision... Pas étonnant qu'élections après élection, les citoyens se sentent de plus en plus découragés, car quelle que soit la qualité du spectacle (que je trouve assez désolant pour ma part), le retour à la réalité est de plus en plus triste...
 
Mais la "vie de la cité" est une chose trop sérieuse pour être laissée à des professionnels du paraître, de la petite tactique et du subterfuge.
 
Eux-mêmes en conviennent d'ailleurs : que font les "sages" quand un pays "faillit", par exemple ce qu'a imposé la Troika à l'Italie avant l'élection de Renzi ? Ils nomment un gouvernement... de technocrates, d'experts ! Bel aveux ! Quand les clowns de la politique font trop guignol, avant la catastrophe, il vaut mieux injecter un peu de professionnalisme dans tout ça ! ouf... Sauf qu'évidemment les professionnels, en l’occurrence, doivent évidemment se confondre au moule idéologique dominant... C'est la moindre des choses ! Bref, au moins, ces mêmes hommes et femmes politiques en conviendront donc avec moi : il y a un moment où il faut savoir redevenir sérieux et mettre des personnes compétentes à la juste place. Dont acte !
roue
 
D'où quelques idées à creuser, par exemple dans ce plaidoyer pour une révolution politique : D'abord faire que les candidats et futurs élus viennent des professionnels de la vie économique et sociale "réelle". Finie la profession d'homme (et de femme) politique - d'ailleurs, Sarkozy et sa clique ne sont-ils pas avant tout avocats, consultants et consort "à leurs heures perdues" ? L'introduction du hasard dans la présélection des candidats par les grands mouvements - et je préfère la notion de réseau à celle de parti - permet justement de conférer à la démarche politique une notion d'aléatoire, de "mise au service temporaire", comme un service civique de professionnels aguerris et respectés par leurs pairs... Et là, je suis convaincu que si on fait abstraction du pedigree, la France regorge de professionnels extrêmement compétents qui feraient un bien meilleur travail que des personnes dont le quotidien se focalise sur le paraître... La "temporalité" de chaque mission - les chances d'être reconduit étant très faibles et justement, là-aussi, aléatoires - enlèverait à ces élus la pression de chercher à durer... et l'impression qu'ils sont au dessus des lois et de la justice comme de nombreux hommes politiques tendent souvent à le croire à force de barboter dans leur microcosme...
 
En revanche, je crois moins à certains instruments de "démocratie directe" comme le recours systématique à des référendums. Ce qui me semble essentiel est que les élus au pouvoir disposent des capacités de mener, de gérer, d'orchestrer une transformation de la société en phase avec les aspirations profondes des citoyens. Par contre, je ne suis pas sûr que le capitaine du navire doit nécessairement animer - ou attendre les résultats - de vastes campagnes d'information et de dialogue pour la moindre manœuvre. La déresponsabilisation du capitaine est un mal et non un bien, de sorte qu'on se retrouve avec des leaders qui ne sont plus responsables de rien. Des marionnettes, forcément animées par d'autres. Les décisions à prendre sont parfois complexes, et on ne peut demander aux citoyens de s'investir tous suffisamment pour atteindre le niveau de compréhension requis à toute décision dans tous les domaines de la vie publique. En revanche, la multiplication de dialogues et débats populaires, la consultation systématique de parties prenantes représentatives, voilà une clé d'un véritable accompagnement - et donc de l'appropriation - populaire des décisions qui engagent la société dans son ensemble. Je n'ai pas à expliquer au boulanger comment faire sa pâte, ou au sélectionneur de l'équipe de France s'il doit titulariser un tel ou un tel - ce dernier exemple est évidemment parfaitement provocateur... Je dois disposer des moyens de dire le pain que je souhaite, et de changer de boulanger si celui-ci ne me convient pas, mais je n'ai aucune intention de me plonger dans de longues études et de me lever à 4 heures du matin pour aller lui expliquer comment il doit faire son boulot si je considère qu'il le fait mal.
 
méditation villeVous imaginez, 60 millions de français dans une boulangerie ? Ou dans un vestiaire ? La cacophonie... On a surtout besoin d'une vision, de sérénité, de confiance dans les femmes, les hommes et les systèmes, de dialogues... et beaucoup moins de flashs et de bruits.
 
 
 

 

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